La porte de la taverne s'ouvrit sans que personne ne le remarque, laissant apparaître sur le seuil une silhouette enveloppée de noire. Une capuche en cuir était rabattue sur son visage, dissimulant ce dernier aux yeux d'autrui, et une cape en toile sombre, frôlant le sol à chacun de ses pas, achevait de la transformer en ombre. La main toujours posée sur la poignée, la silhouette refusa de s'aventurer plus loin et examina l'établissement du regard. L'endroit était propre, bien tenu, puisque qu'aucune saleté ne venait souiller le sol ou le mobilier. Cela était plutôt rare, mais n'en restait pas moins appréciable. Cependant, ce n'était pas la qualité des lieux qui intéressait notre protagoniste.
Ses yeux se posaient de tables en tables, observant attentivement les individus qui s'y trouvaient. Des hommes et des femmes de tout âge, essentiellement des personnes appartenant à la Ghilde Ken'Dar. Elle repéra également une troupe de musiciens qui venaient de saisir leurs instruments et qui entamèrent bientôt une douce mélodie qui s'accordait à merveille avec la voix d'un conteur.
Des marchands, des artisans, des artistes.
Pas de soldats.
L'esquisse d'un sourire se dessina brièvement sur ses lèvres avant que la silhouette ne se décide finalement à avancer. Les effluves des plats chauds vinrent chatouiller ses narines au fur et à mesure qu'elle progressait dans la pièce. Dieu, que ça sentait bon... Elle s'accouda au comptoir, patienta en tapotant le bois vernis avec ses doigts, le regard dans le vide.
- Eh bien Gamine, ça fait longtemps qu'on t'avait pas vu traîner par ici.
Tirée de sa rêverie, elle leva les yeux vers le tavernier.
- Tu m'impressionnes, l'Ancien. Comment t'as deviné ?
- Je ne connais qu'une personne qui s'accoutre de la sorte et qui dévisage aussi longuement mon établissement avant de se décider à avancer.
Un sourire, un vrai cette fois, apparu au coin des lèvres de ladite Gamine. Elle retira alors sa capuche et dévoila son visage. Une peau mate, des yeux dorés, des joues quelque peu creusées, un regard froid qui durcissait des traits pourtant harmonieux si l'on s'y attardait suffisamment, et de longs cheveux noirs qui encadraient ce visage à peine sorti de l'adolescence.
Le tavernier, homme d'âge mûr, observa la jeune femme quelques instants tout en lissant son bouc, taillé avec soin.
- Bon, qu'est-ce que je te sers ?
Shanah huma l'air avant de répondre.
- Le truc qui sent bon.
- Ah, tu parles du rôti de Titan agrémenté de...
Il fut coupé avant d'avoir pu terminer sa phrase.
- Ouais, voilà, ça.
- Et avec, autre chose ?
- Yep. Une chope de bière et quelques fruits.
- Bien.
Shanah patienta de nouveaux pendant que le tavernier alla lui préparer sa commande. Elle aimait l'ambiance chaleureuse et festive qui se dégageait de cet endroit, et y venait de ce fait régulièrement afin de se restaurer.
La première fois qu'il l'avait vu entrer dans son établissement, le tavernier avait tout de suite compris à qui il avait affaire. Cette jeune fille maigre comme un clou, dont l'arme était attachée en évidence à sa cuisse, était une voleuse venant des Bas-quartiers. Mais même en sachant ça, il l'avait servis comme n'importe quel client. Après tout, ce n'était pas la première fois que des personnes provenant de ces quartiers malfamés venaient se restaurer ici, et il se doutait bien évidemment d'où provenait l'argent avec lequel il était payé. Tant qu'ils payaient correctement leur dû, le reste n'était pas important. Et puis lentement, sans réellement le vouloir, il avait finit par s'attacher à cette petite , même si elle avait montré plus d'une fois qu'elle n'était pas si inoffensive que ça. Il savait qui elle était, qu'elle était une Hors-la-loi, mais ça n'avait pas d'importance...
Il revint quelque minute plus tard avec sa commande. Shanah jeta un coup d’œil dans la salle et se dirigea vers la dernière table de libre. Elle s'y installa, et mangea tranquillement son repas. Puis, elle se cala contre le dossier de sa chaise tout en s'amusant à la faire basculer en arrière. Ses yeux se fermèrent, bercés par la musique et par l'histoire du conteur.
Qu'est-ce qu'elle se sentait bien.